L'entraînement au service de l'alpinisme: retour sur l'Everest de Tahar Manaï

Un sommet, cela ne s’improvise pas ! 

Tahar Manaï a atteint le sommet de l’Everest le vendredi 13 mai à 10h31, devenant ainsi le représentant d’une 102ème nation sur le toit du monde. Si certains ont vu le film Everest et sa dramaturgie, cela ne reste qu’un film hollywoodien, il faut le reconnaître mais certains points sont bel et bien réels. Souvent les films zappent ce qui se passent avant le camps de base…voici le début de l’histoire. 

 Pour Tahar, il y a déjà l’expérience de la montagne ; l’expérience est une chose qui ne s’achète pas et Tahar connaît sur le bout des doigts les manœuvres, procédures, réflexes d’un alpiniste. Il m’a initié à l’escalade avec crampons/piolets sur glace et c’est un formidable pédagogue. 
De plus, grâce à son métier de pompiers, il est en prise directe avec le fonctionnement de son corps, anticipant les risques médicaux de la haute montagne comme le Mal Aigüe des Montagnes.


Tahar se prépare en fait depuis plusieurs années grâce à Vincent Luneau, pompier, triathlète et entraîneur lui-même. Vincent lui a concocté une préparation afin de le rendre rustique. Pour une fois, l’objectif de cette préparation quotidienne n’était pas l’amélioration d’un temps de course ou d’un max mais tout simplement être capable d’assumer plus d’un mois d’expédition dans toutes les situations. Vincent nous explique : « nous avons orienté [la préparation] sur le développement des capacités aérobies de Tahar( avec un niveau déjà très très bon...) à travers différentes sollicitations pour éviter la monotonie. Mais nous avons aussi orienté la prépa sur le développement de qualités musculaires, en l'occurrence la force et ses différentes formes selon la programmation et l'objectif du cycle de travail. Comme en 2015, cette préparation physique était entrecoupée de sollicitations spécifiques avec des séjours en montagne. » 

Cette rusticité recherchée l’a amené à nager, faire du vélo, de la musculation, courir, trailer, faire des raquettes, escalader…. C’est souvent une qualité oubliée dans le monde de l’entraînement et de l’hyper-spécialisation. Lorsqu’on pratique un sport de pleine nature, il faut être solide. Rares sont les sportifs de compétition « cadrée » (j’entends sur route ou piste ou piscine) capables d’aller performer en nature. A ce jour, je ne vois que David HAUSS sur le Trail des Mascareignes par exemple. L’inverse est plus fréquent… 

Un facteur est omniprésent, c’est le manque d’oxygène durant cette expédition vers le sommet de l’Everest. La durée du voyage puis la mise en place des 4 camps d’altitude permettent une acclimatation de l’alpiniste avec des efforts de basse intensité toujours effectués au-dessus de 5300m (altitude du camps de base). 

Avec l’utilisation de la pièce hypoxique et d’un tapis de course d’AzurPerformance aux Saisies (http://www.azurperformance.fr/hypoxie_331.htm), nous avons pu mettre Tahar en condition d’effort à l’altitude du camps de base sous différentes formes : - endurance active, - fractionné court-court en variant non pas la vitesse ou la pente mais en variant l’utilisation ou non des bras, - exercice long avec ou sans matériel d’alpinisme. Tahar aura réaliser 12 séances à 5300 d’altitude et donc 12h à l’effort de janvier à mi-mars. A cela, il faut ajouter les séances de trail ou raquettes en altitude réelle mais modérée (entre 1200 et 2000m). 

On a tendance à expliquer que les efforts en haute altitude doivent être réalisés en priorité à basse intensité afin d’avoir une adaptation du fonctionnement du corps avec des capacités de captation de l’oxygène moindre. Dans notre cas, il s’agissait plutôt d’évaluer les limites de l’organisme de Tahar dans cette situation d’apport en oxygène limité. L’adaptation du corps à l’altitude, Tahar l’a réalisé en montant au camps de base et durant les différentes ascensions vers les camps d’altitude. 

Mon travail a visé à donner à l’alpiniste des repères d’effort afin de pouvoir accélérer lorsque la situation est exposée (crevasses, chutes de séracs) ou lorsqu’il faut dépasser une cordée et éviter un bouchon sur un secteur technique. La vitesse est facteur de sécurité. 

 Nous avons atteint des efforts proches de la limite physique et mentale, des situations de désaturation en oxygène inférieures à 70 % (cela sous-entends que 30 % des globules rouges ne transporte pas d’oxygène ce qui est très rare) et des fréquences cardiaques élevées. 

 Exemple de séance : 
- échauffement en altitude réelle sur vélo puis tapis durant 20’. 
- 6 x (4’ de marche à 6km/h et 10 % de pente + 1’ de marche @ 6km/h et 16 % de pente). 
- récupération sur vélo. 
Cette séance a été réalisée avec le baudrier chargée et les chaussures d’alpinisme haute, les Millet Everest Summet GTX de 3kg. 

 L’ascension de Tahar est un épreuve sportive préparée finement et très loin des expéditions de riches touristes qui veulent s’offrir l’Everest à coups de billets verts. La préparation pour l’Everest a permis de dégager les axes de travail à venir pour les 4 derniers sommets du projet « 7 summits » de Tahar.
Bravo Tahar !

Plus d'infos sur l'entraînement en altitude et la chambre hypoxique: http://www.azurperformance.fr/hypoxie_331.htm

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